Adolphe Muzito, Premier ministre de la RDC

Salut à tous, vous etes sur cnt live, avec Papa Inno et Nathalie Rolley, correspondante internationale cntlive.

 Installé au pouvoir par son prédécesseur en janvier 2019, Félix Tshisekedi veut donner l’impression qu’il se consacre entièrement au règlement du conflit à l’est avec le Rwanda. En réalité, sa priorité demeure sa réélection en 2023 (ou 2024 dans le cas, probable, d’un glissement) pour laquelle il combine stratégie institutionnelle et politique.

Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019 par la grâce de son prédécesseur Joseph Kabila, Félix Tshisekedi n’a qu’un seul objectif en tête : assurer sa réélection en 2023. « Ça reste sa grande priorité, bien avant le conflit à l’est avec le Rwanda », confirme un de ses visiteurs du soir avec qui il a discuté juste avant de partir pour des vacances à Marbella en Espagne.

ECOUTEZ AVEC NATHALIE ROLLEY

 

Pour ce faire, le président RD congolais, parvenu à son poste suite à un improbable concours de circonstances, passe par deux voies. La voie institutionnelle d’abord avec le verrouillage de la CENI et de la Cour constitutionnelle, ainsi que le vote d’une loi électorale à sa main qui favorise, plus que de raison, l’opacité au détriment de la transparence. La voie politique ensuite avec pour objectif de négocier le ralliement de certains poids lourds à sa candidature.

Fin 2020, au moment de la constitution de l’Union sacrée pour la nation (USN), le président et son entourage pensaient avoir trouvé la martingale. Ceux-ci comptaient s’appuyer sur un triptyque pour mailler le territoire : Jean-Pierre Bemba pour s’assurer les voix du nord, Modeste Bahati Lukwebo pour capter les voix de l’est (en l’absence, alors, de Vital Kamerhe incarcéré) et Christophe MBoso pour les voix de l’ouest. Lui-même étant positionné dans le centre du pays (Grand Kasaï).

   

En échange, le premier obtenait le soutien du président dans le règlement de ses différents contentieux financiers (Régie des voies aériennes, Comicel, etc.) ; le second et le troisième se voyaient respectivement octroyer la présidence du Sénat et de l’Assemblée nationale en échange de leur « soutien total » sur la composition de la CENI et le vote de la loi électorale.

Las, les mois passant, Tshisekedi, de plus en plus impopulaire, s’est rendu compte que le poids politique de cet attelage ne serait sans doute, pas suffisant et qu’il lui fallait trouver d’autres options sur le plan politique, en complément des verrous institutionnels déjà posés, afin de maximiser ses chances de réélection en 2023.

D’où un revirement complet de stratégie opéré ces derniers mois. Dans le nord (Grand Equateur), Félix Tshisekedi s’appuie désormais sur le jeune ministre de l’Aménagement du territoire, 39 ans, Guy Loando Mboyo, dont les activités politiques sont financées par l’argent des péages routiers, ainsi que par la société chinoise de BTP CREC 7 gérée par Simo Kong.

A l’ouest, Mboso, 80 ans, n’a à l’évidence pas l’ancrage nécessaire pour être un véritable leader. « Son utilité est purement institutionnelle », reconnait un pilier de l’USN. En tant que président de l’Assemblée nationale, Mboso « sert » à faire « passer en force » les lois controversées favorables au camp présidentiel. Cette faiblesse politique a incité Tshisekedi et son entourage à se rapprocher de l’ex-premier ministre et allié de Martin Fayulu, Adolphe Muzito, par l’entremise de son beau-fils, le ministre de la Communication, Patrick Muyaya. Muzito est aujourd’hui potentiellement premier ministrable.

A l’est, Tshisekedi a fait le deuil de sa stratégie consistant à se reposer sur Modeste Bahati Lukwebo pour tenter d’affaiblir les grands leaders. Face à un Katumbi ou même un Matata Ponyo, l’actuel président du Sénat et leader de l’AFDC « ne fait tout simplement pas le poids », de l’aveu même de l’entourage présidentiel. Son déplacement dans le cadre des vacances parlementaires le weekend du 16 juillet à Goma, au Nord-Kivu, et à Bukavu, dans le Sud-Kivu, lors duquel il a été copieusement hué par la population qui l’a qualifié de « traitre » pour avoir rejoint Tshisekedi et avoir combattu Vital Kamerhe, donne du crédit à cette thèse.

D’où la décision du président, après quelques atermoiements, de réhabiliter Vital Kamerhe, son ex-directeur de cabinet et artisan de sa « victoire » lors de la présidentielle de 2018. Le 23 juin dernier, le natif de Bukavu a été, en dépit des preuves matérielles accablantes, blanchi en appel dans le cadre du procès des 100 jours avant d’être reçu, quelques jours plus tard, en grande pompe par le chef de l’Etat.

Le retour en grâce de Karmerhe

L’acquittement de Vital Kamerhe, dans un pays où la Justice est à la botte du politique, est l’épilogue de longues négociations qui ont commencé fin août dernier et qui ont abouti à un nouveau deal entre les deux hommes. En échange de ce verdict en appel, Vital Kamerhe s’est engagé à revenir sur l’accord de Nairobi, conclu avec Tshisekedi en novembre 2018, et à soutenir la candidature de ce dernier en 2023, lequel s’engage en retour à soutenir celle de Kamerhe en 2028.

 

   Pour emporter la décision, Tshisekedi a usé d’un argument qu’il estime de poids : « en Afrique, le président sortant a le dernier mot sur l’identité du président entrant ». Tshisekedi sait de quoi il parle. Il doit son mandat de président non à son élection, (il a été battu par Martin Fayulu dans les urnes en 2018) mais au « fait du prince », en l’occurrence à la décision de son prédécesseur, Joseph Kabila, qui l’a d’autorité fait déclarer vainqueur du scrutin par la CENI, puis la Cour constitutionnelle.

« Dans les mois à venir, Vital Kamerhe pourrait être appelé à jouer un rôle politique important », croit savoir un proche du président RD congolais. De fait, Tshisekedi entend bien reprendre en main l’USN. Or, il ne peut plus compter à ce sujet sur, Jean-Marc Kabund, l’ex-président par intérim de l’UDPS et ex-vice-président de l’Assemblée nationale. Entre les deux hommes, le divorce est définitivement consommé. Lundi 18 juillet, lors du lancement de son parti politique, l’Alliance pour le Changement, Kabund a qualifié Tshisekedi de « dirigeant irresponsable », « sans vision » qui doit « être considéré comme un danger au sommet de l’Etat » et qu’« il faut chasser du pouvoir ».

Pour dompter l’USN, Tshisekedi ne peut pas davantage se reposer sur Christophe Mboso, jugé « trop mou », et encore moins sur Modeste Bahati Lukwebo qui, en tant que président du Sénat, est aussi le dauphin constitutionnel. Or, l’entourage du président le soupçonne de vouloir jouer sa propre carte comme l’a montré l’épisode de la nomination des nouveaux juges à la Cour constitutionnelle.

En outre, dans la perspective (quasi-acquise) d’un glissement de l’élection présidentielle de fin 2023 au second semestre de 2024, un « dialogue », grand classique de la vie politique en RDC, pourrait être ouvert. Félix Tshisekedi aura alors bien besoin des talents manœuvriers de Vital Kamerhe, l’un des rares politiques en RDC à « pouvoir parler à tout le monde ». D’où l’idée de l’installer, après avoir récupéré son poste de député, à la présidence de l’Assemblée nationale (qu’il a déjà occupée de fin 2006 à début 2009) en remplacement de Mboso, soit à la Primature en lieu et place d’un Sama Lukonde, perçu, au sein de l’UDPS, comme « transparent ». Originaire de l’est, Vital Kamerhe pourrait aussi, à la demande du président, aller négocier un « cessez-le-feu » avec le M23.

Signe que l’acquittement de Vital Kamerhe est moins le fruit d’une décision de juges indépendants que d’un (nouvel) accord politique, dans ses déclarations faites le 28 juin dernier sur le perron du Palais de la Nation, après qu’il a été reçu par Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe a pris grand soin d’épargner ce dernier, en disant que sa condamnation en première instance incombait à la Justice que « l’on a laissé faire. » (sic !) Des propos qui n’ont toutefois pas eu l’heur de convaincre jusque dans le camp des Tshisekedistes. « Il y a eu trop de vol ces derniers temps (au sommet de l’Etat). Même si la Justice vous a blanchi, Dieu vous attend là-bas. Bande de voleurs ! », a réagi en public, lors d’une cérémonie religieuse, dimanche 3 juillet, le pasteur Gode Mpoyi, président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, qui est membre de l’USN et Kasaïen comme Tshisekedi. Un point de vue largement partagé au sein de la population. Quelques jours plus tard, en déplacement dans un quartier populaire de Kinshasa, l’ex-directeur de cabinet de la Présidence s’est fait traiter de « voleurs » par les passants qui l’ont aperçu dans sa voiture. La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux. La semaine suivante, ce sont les étudiants de l’UniKin, en pleine manifestation, qui ont scandé : « Où est notre argent ? Kamerhe, voleurs ! »

Moïse Katumbi et le cas Matata

De fait, si sur le papier le scénario semble bien ficelé, dans la réalité, il y aura peut-être loin de la coupe aux lèvres. D’abord, la promesse faite à Kamerhe d’un soutien lors de la présidentielle de 2028 en contrepartie de son appui à la candidature de Félix Tshisekedi en 2023 a également été faite à Jean-Pierre Bemba et à Moïse Katumbi ! En outre, il est loin d’être certain que Vital Kamerhe, dont le poids électoral à l’est n’excède pas les 5 % et dont l’image est très écornée, suffit pour faire pencher la balance. Or, c’est à l’est que se trouve les principaux réservoirs de voix et que se gagne ou se perd une présidentielle en RDC.

  

Si le ralliement de Moïse Katumbi reste exclu, de même qu’un nouvel accord avec Joseph Kabila (Tshisekedi a tenté de renouer le contact avec son prédécesseur mais celui-ci y a opposé une fin de non-recevoir catégorique), demeure le cas Matata. L’ancien premier ministre, empêtré dans l’affaire Bukanga Lonzo, va-t-il tenter de négocier un accord du même type que celui de Vital Kamerhe ? Certains le pensent. Ils en veulent pour preuve son tweet diffusé le 20 juin dernier dans lequel l’ex-premier ministre « demande à tous les Congolais de faire un front commun pour s’opposer à cette agression rwandaise. Nous devons nous unir comme un seul homme à côté des FARDC et de son Commandant suprême », a-t-il écrit, une mention explicite à Félix Tshisekedi. D’autres, en revanche, soutiennent qu’il s’agit d’une interprétation erronée et que si Matata Ponyo a décidé, il y a quelques semaines, de rentrer en RDC après avoir donné l’impression de s’être exilé, c’est pour laver son honneur en Justice et poursuivre le combat politique dans l’opposition à Félix Tshisekedi. L’élargissement de Vital Kamerhe en appel l’y aurait d’ailleurs encouragé.

Les termes de l’équation de la future élection présidentielle en RDC sont donc loin d’être figés. D’ici fin 2023 (ou courant 2024 en cas de glissement), la situation peut encore grandement évoluer.

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